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17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 13:33

Une histoire exceptionnelle digne des meilleurs scénarios hollywoodiens : un espion de Scotland Yard infiltre des militants écologiques et politiques. Il renie les services secrets de sa Majesté et passe au vert. Pendant sept ans, sous le couvert d’une double identité, il collecte des informations confidentielles  «des extrémistes de l’intérieur».  Mais cet agent secret s’est pris au jeu, et a retourné sa veste en faveur de la lutte pour l’environnement. Ses aveux ont fait capoter le procès de militants accusés d'avoir voulu occuper une centrale à charbon.

 

Mark-Kennedy-007

 

Mark Kennedy "Stone" ou l’agent double
Mark Kennedy, connu sous le nom de Mark Stone dans le milieu écologiste, affiche un look anglais du parfait militant : cheveux longs, tatouages, piercing et grimpeur professionnel n’hésitant pas à escalader des arbres menacés et s’enchaîner sur les grilles de centrales nucléaires.
Néanmoins, depuis 20 ans, Mark Kennedy travaille dans la police britannique. En 2003, les services secrets du Royaume-Uni lui confie la mission d’espionner les militants écologistes et de glaner les informations de ces organisations. En sept ans, cette taupe a infiltré une douzaine de groupes militants anglais et européens, passant des antiracistes aux anarchistes, et des écologistes aux défenseurs des droits des animaux.

L’infiltration de la taupe
Selon les révélations du Guardian, Mark Kennedy fait ses premiers pas d’infiltré en août 2003, dans une ferme du nord de l'Angleterre où les militants d'Earth First, un groupuscule né aux Etats-Unis, prônant l'action directe, planifient leurs prochaines opérations secrètes pour sauver la planète.
Progressivement, il gagne la confiance des ONG écologistes en leur proposant des services utiles. Il met son van à la disposition des organisations pour transporter du matériel. Sa maison est utilisée comme lieu de réunion. Son plus grand atout, qui lui a valu le surnom de « Flash », était de distribuer gracieusement de l’argent liquide pour avancer les frais des opérations coups de poing ou pour imprimer des tracts de campagne.

Selon le Guardian et Rue89, Mark Kennedy aurait coûté 300 000 euros par an, depuis 2003, au contribuable britannique. A l'heure de l'austérité budgétaire, l'apparente légèreté avec laquelle Scotland Yard utilise ses taupes pour espionner des mouvements pacifiques suscite des critiques sévères.


Un militant vert presque parfait
En 2004, il participe aux manifestations contre la tenue d’un G8 en Ecosse. En 2005, il grimpe aux arbres de Londres pour installer une bannière contre le géant BP. Puis file en Islande, appuyer les écologistes locaux qui protestent contre la construction d’un barrage. Mark Kennedy “Stone” se lie avec tout ce qui dérange l’Etat britannique: collectifs anarchistes, groupes écologistes, mouvance de protection des droits de l’animal…
En avril 2009, il se montre particulièrement entreprenant pour mener à bien le projet d'occupation de la plus grande centrale à charbon du Royaume-Uni. Une semaine de blocage de l’usine de Ratcliffe-on-Soar aurait préservé la planète de 150 000 tonnes de rejet de CO² dans l’atmosphère. L’opération avait été conçue —quatre mois durant— par Kennedy “Stone”.
Juste avant le déclenchement de l’opération, quatre cent policiers investissent —comme par hasard— l’école Iona de Nottingham où se massent les 114 militants qui se préparent à occuper la centrale à charbon. L’énorme coup de filet policier aurait couté 360.000 €. Vingt-sept militants sont mis en examen pour “conspiration en vue de commettre des actes illégaux”, dont l’agent infiltré qui commet une erreur et va réveiller les soupçons. Il prend son propre avocat, et les charges contre lui sont rapidement abandonnées.


La chute
En octobre 2009, lors d'un voyage à l'étranger, ses camarades de lutte tombent, par hasard, sur un passeport avec sa véritable identité. Ils cherchent et découvrent que Mark Kennedy travaille pour Scotland Yard depuis presque vingt ans. Sa véritable identité démasquée, Mark passe aux aveux devant ses amis écologistes : “je suis vraiment désolé pour tout ce que j’ai fait”. Mais une traîtrise de plusieurs années ne peut être excusée si facilement. Menacé de mort par téléphone, Mark Stone doit rompre tous les liens matériels et personnels construits lors de son enquête de sept années.
Egalement entretenu par les services secrets anglais, il se repentit et quitte ses fonctions de policier. Malgré son revirement pour la cause écologiste, il a défendu son travail d’espion : “Mais je n'ai jamais perdu de vue mon travail. Chaque jour j’envoyais des sms et des informations. Néanmoins j'ai commencé à aimer les gens avec qui j'étais. J'ai crée des amitiés durables."
Dans une interview accordée à The Mail le 16 janvier 2011, Mark Kennedy revient sur son histoire qui a rempli les tabloïds anglais la semaine dernière : “Tout que je peux faire est maintenant de dire la vérité. Je ne pense pas que la police soit les bons types et les activistes soient les mauvais ou vice versa. Les deux côtés ont fait de bonnes choses et de mauvaises choses. J'espère que grâce à mes révélations, la police apprendra des erreurs qu'ils ont faites.”


Son revirement annule un procés
Touché par une variante du syndrôme de Stockholm, le policier infiltré s’est pris d’amitié pour les gens espionnés : “Je me déteste, j'ai trahi tellement de gens. Si je peux aider à faire quelque chose de bien pour une fois, j'aimerais pouvoir le faire.”
Les révélations de l’ex-agent double ont annulé les poursuites judiciares contre les militants écologistes arrêtés pour complot organisé contre la centrale à charbon de Ratcliffe-on-Soar en avril 2009. A peine ouvert, lundi dernier, le procès a été aussitôt refermé, l'accusation cherchant à éviter un embarrassant déballage public sur les méthodes d'infiltration de la police. Les documents saisis par la justice prouvent que la mission avortée d’occupation de la centrale a été pour l’essentiel imaginée, organisée et réalisée par l’ex-flic.


Dorénavant, Mark Kennedy se cache aux Etats-Unis. Il craint les menaces de mort tant de ses anciens patrons de la police que les militants écologistes déçus par sa traîtrise. Il se cache aussi de toutes les offres de livres et de films qui on suivit le divulgation de cette incroyable histoire: un agent secret rallié à la cause environnementale. Il est bien vrai qu'un policier devenant fervent de la désobéissance civile au nom de l'environnement, est un sujet assez rare pour être remarqué. Les successifs rebondissements de l'affaire entraîne scandale, découverte d'autres espions, sexe et trahisons : un mélange parfait pour un scénario tiré d'une histoire vraie.


Florence Tapiau

 

+ d'infos :

Article du Guardian révélant l'affaire (09/01/2011)

Article de Rue 89 (Un flic infiltré chez les écolos anglais...devient écolo - 12/01/2010)

Interview de Mark Kennedy (The Mail. 16/01/2011)

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