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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 21:37

Le rapport annuel de l'Observatoire national des ZUS (zones urbaines sensibles) rendu public le 30 novembre dresse un bilan social alarmant dans les banlieues françaises frappées par un taux de chômage de 41,7% chez les hommes de 15 à 24 ans qui sont particulièrement victimes des préjugés visant le "jeune à capuche".

Nos "quartiers" représentent 4,5 millions de personnes dont 33,1% vivent sous le seuil de pauvreté (revenu mensuel de 908 euros) contre 12% sur le reste du territoire; la pauvreté touchant particulièrement les moins de 18 ans qui subissent pour 44,3% d'entre eux  des inégalités de revenus. Si le taux de chômage dans les ZUS est passé de 17,2% à 16,9%* (contre 7,4% pour la totalité de la population active) entre 2003 et 2008, ce chiffre, qui trouve comme réponse un déni des responsables politiques se concentrant principalement sur les problèmes de sécurité dans les quartiers, n'est pourtant pas à la hauteur des avancées sociales nécessaires et les difficultés d'accès à l'emploi sont également considérables.

Les habitants des ZUS cumulent en fait plusieurs inégalités, économiques, sociales, urbaines, d'accès aux loisirs ainsi qu' à la culture et particulièrement au niveau de l'école en ce qui concerne les conditions d'éducation entraînant un faible niveau de qualification (80% des élèves en CAP sont d'origine populaire) qui se répercutent sur l'intégration globale des individus dans la société et le monde du travail.

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Diverses situations qui peuvent amener à la compréhension, je ne parle pas ici de justification mais bien d'un apport d'éléments d'analyse devant des faits sociaux réels, du développement de certaines radicalisations liées au sentiment d'exclusion et de marginalisation sociale.
 

Alors que notre société contemporaine démocratique s'est fondée sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de justice sociale en promulguant l'égalité de droits à la naissance contre les principes monarchiques qui voulaient que notre statut social soit hérité de nos pères, une même condition sociale, un même métier, sans possibilité d'ascension sociale encore moins pour les femmes qui n'ont obtenu que bien plus tard certains droits (droit de vote en 1944) et avec la révolution des mœurs de 1968 (avancées en droits, en égalité et en parité dans les domaines du travail, de la sexualité, dans les rapports interpersonnels de famille,...). Mais derrière le principe de méritocratie, qui se veut reconnaître les talents et qui devrait permettre à ceux qui le "méritent" d'accéder aux positions les plus élevées contre  la hasard de la naissance, évitant ainsi  la reproduction des élites, se cache des déterminismes beaucoup plus complexes qu'en apparence.

L'affirmation de l'égalité des chances et du mérite apparaît comme la seule manière de construire pour l'instant une société plus juste mais l'école revalorise pour une part déterminante les savoirs possédés par la classe dominante qui se garde bien de les partager sans résistance. Ajouté à cela un pessimiste grandissant concernant les perspectives d'un avenir stable et la dévaluation de la vocation éducative et culturelle que peut représenter l'école, pour ceux qui ont de moins en moins confiance dans les institutions, relèguent toujours les mêmes populations aux mêmes perspectives sociales.

Tout ce qui peut être apprit en dehors de l'école et qui constitue les fondements de la culture générale nécessaire à une bonne intégration socio-professionnelle sont transmis avant tout chose par la famille et donc le milieu social d'origine. La totalité des connaissances s'acquièrent au sein de la famille, par l'école, par le milieu social d'origine. C'est ce que Pierre Bourdieu** appelle le capital culturel détenu par les individus. Les familles cherchent à assurer leur reproduction sociale, qui est conditionnée par la réussite des enfants, dans une sorte de "compétition scolaire". Il faut retenir que l'éducation familiale reste le premier cadre de socialisation influençant les individus et peut tenir un rôle important dans la place qui sera laissée aux agents de socialisation extérieurs, comme par exemple l'école, et peut faire l'objet de rejet lorsqu'ils font défaut, ce qui peut entraîner des conséquences sur les comportements sociaux, allant jusqu'au repli identitaire.

Il ne faut pas négliger le fait que la parentèle (ensemble du réseau familial) constitue un système d'échanges de biens, de services et d'argent qui ne peut être comptabilisé avec précision mais qui représente une réelle "économie cachée", l'entraide familiale forme une solidarité informelle. Que peut-elle donc représenter pour des groupes d'individus déjà dévaforisés d'un point de vue économique et social ? Serait-elle assez forte pour palier les autres inégalités sociales reproduites par l'école ? Mais surtout  peut-on encore parler d'une réelle justice sociale à la hauteur des valeurs démocratiques ?

  

* voir aussi le taux de chômage depuis 1975 pour la totalité de la population active : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon03337

** Pierre Bourdieu : sociologue français (brève présentation sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourdieu)

 vidéo expliquant la mobilité sociale : http://www.youtube.com/watch?v=78uOhnzEdM0

 


Delphine
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